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Heinrich Bürkel [Public domain], via Wikimedia Commons

Pour le généathème de mai, je reprends quelques articles anciens publiés en 2009 sur mon blog et que j'ai utilisés dans la rédaction d'un livre sur ma branche paternelle.

Ce #généathème sur les professions de nos ancêtres concerne ici les maîtres de poste de Saint-Georges-sur-Loire situé sur le chemin de Poste reliant Angers à Nantes au XVIIIè siècle.

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La poste aux chevaux au XVIII ème siècle
C'est Louis XI qui créa les Postes royales par l'Edit de Luxies le 19 juin 1464, mettant "en poste" certaines routes. Ainsi les grands chemins du royaume sont parsemés de relais de chevaux dirigés par un maître de poste. Des courriers transmettent les dépêches d'un relais à l'autre; ils sont accompagnés d'un postillon. Chaque relais étant séparé d'environ 4 lieues (16kms), une lettre partie de Paris parvient en 2 à 3 jours à Angers.
Notez que la Poste aux chevaux de St Georges sur Loire permet la liaison entre Angers et Nantes; le relais suivant est celui d'Ingrandes.
 
 By Henri Docquin (Own work), CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons 
 
La situation du maître de poste est très jalousée. En effet, pour le service public qu'ils exercent, ils reçoivent des gages, très modestes cependant, et des indemnités servant au bon fonctionnement de leur charge. Ils sont également payés par les utilisateurs de leurs chevaux et sont affranchis du paiement des tailles, des impôts pour les terres qu'ils possèdent et exonéré d'autres charges. Ils ont le droit d'exercer des professions annexes : aubergistes, hôteliers, loueurs de chevaux, de voitures, exploitants agricoles ... activités utiles à l'équilibre financier de leur entreprise.
Pour devenir maître de poste, il faut effectuer des démarches administratives réglementées et se soumettre "envers le Roy et Monseigneur Le Grand Maître et Sur-Intendant général des courriers, postes et relais de France".  Le roi a besoin d'hommes en qui il peut avoir entière confiance et cherche donc à obtenir des renseignements sur leur réputation.
Il est souvent admis que les maîtres de Poste formaient un groupe social fermé. Certes, ils entretenaient entre eux des liens très forts comme en témoignent les mariages ou les baptêmes ... mais tout autant que d'autres corps de métiers comme les meuniers, les maréchaux ou même les fermiers! En effet, leurs relations étaient plutôt étendues puisque les maîtres de Poste tissaient de nombreux liens locaux du fait qu'ils faisaient travailler de nombreux artisans proches tels marchand fermier, cabaretier, aubergiste, sellier, maréchal ferrant ou maréchal soignant ...
Par ailleurs, leurs déplacements favorisaient l'ouverture à d'autres lieux et d'autres rencontres ... comme le montre l'histoire de mes ancêtres notamment dans leurs voyages à Nantes et leurs contacts avec les négociants ou voyageurs venus de l'île de Saint Domingue.
 
Le premier maître des postes
René Sortant, mon aïeul paternel à la 7ème génération fut, comme son père, fermier au château de Serrant.  En 1733, il reçoit de l'ancien maître des postes de St Georges, le brevet pour exercer cette activité. Il obtient l'accord du roi et s'installe entre le bourg et le château. Il doit respecter les "obligations de sa tâche" définies par le roi. Il est le propriétaire des terres qu'il exploite pour soutenir l'activité du relais et faire paître ses chevaux. A  sa mort en 1747, sa fonction est transmise à l'un de ses trois fils, René-Guy.
 

  

 Le successeur de René comme maître de poste : l'aîné de ses trois fils

La transmission du brevet de maître de poste se fait la plupart du temps de père en fils ou bien de l'époux à la veuve. C'est ainsi que René mon ancêtre, l'a transmis à son fils René-Guy..
Lui, contrairement à son père n'est pas propriétaire mais simple locataire de ses terres, ce qui lui causera, on le verra, de très gros soucis alors que René, le père, durant sa vie avait acquis un bon nombre de parcelles de vignes et a assuré à sa famille, en tant que maître des postes, une vie plutôt confortable.
René-Guy, un de mes oncles à la 7e génération, devient donc maître de poste à Saint Georges sur Loire, en 1747, à la mort de son père et prend sa succession en tant qu'aîné, tandis que son frère cadet Jean-Baptiste devient aubergiste, et le benjamin, Philippe Sortant, mon aïeul à la 7e génération, sera sellier, probablement à la Closerie de la Barre, relais de la poste de son frère dans le village. Jean Juret, son beau-frère, mari de Sébastienne, demeurant à l'Épinay, lui était associé en tant que marchand fermier.
 
Le château de l'Épinay près duquel existait un prieuré   
   
Les métiers nécessaires au fonctionnement de la Poste aux chevaux
- Le maître des postes entretient les chevaux nécessaires au service de la Poste. C'est quelqu'un d'important dans son village possédant généralement - ce n'est pas le cas pour René-Guy - les champs et les prairies indispensables à la nourriture de ses bêtes et demeurant au relais de Poste, bâtiment important souvent les voyageurs à l'étape.
- Les carrosses sont fabriqués comme tout autre coche ou diligence par les menuisiers en voitures et l'intérieur par le sellier qui recouvre les panneaux  de cuir ou de toile, puis garnit les sièges de crin pour être ensuite revêtus de toile. C'était le travail de mon ancêtre Philippe; dans certains documents, on le rencontre "menuisier" ce qui pourrait signifier qu'il construisait aussi l'ossature des voitures qui passaient au relais des Postes de Saint-Georges-sur-Loire ou les réparait. Sur certains actes, Nicolas Delaitre, son beau-frère, est dit conducteur, après avoir exercé la profession de menuisier de marine à Nantes. Le conducteur - qui ne conduit pas! - est celui qui est "perché à l'arrière de la voiture, commande au courrier, et supervise le bon déroulement du voyage".
- Arrivés à l'étape, les voyageurs doivent trouver logis et couvert. Ainsi se développent, tout le long des routes, auberges et hôtelleries. Jean-Baptiste, le frère de Philippe le sellier et René-Guy le maître des postes, s'installe comme aubergiste. Il semble bien qu'il établit ainsi une situation solide pour lui et sa famille. On retrouve pendant la révolution un de ses fils juge de paix du canton de Beausite* et ensuite huissier impérial. Un autre de ses fils fut postillon, celui qui porte les courriers, monté sur un des chevaux en avant de l'attelage, devant toujours être prêt à partir si cela était nécessaire puis revenir ramener les chevaux au relais.
Certains auteurs sont suspicieux à l'égard des aubergistes se demandant s'il n'y avait pas d'accords entre conducteurs et aubergistes pour faire venir les voyageurs dans leurs auberges; quand on voit ici les liens familiaux existant entre toutes les professions au relais de Poste de Saint Georges, on peut en effet se poser cette question! 

* Beausite est le nom révolutionnaire de Saint Georges sur Loire.

 
 La faillite du maître de poste
 
Jusqu'aux années 1760, René-Guy Sortant connaît une période prospère, associé à l'époux de sa soeur Sébastienne, Jean Juret marchand-fermier.
 
Début de ses malheurs, en 1766, ses chevaux sont atteints par une épidémie de morve et il lui faut se séparer de l'un de ses douze chevaux. Mais le plus grave se déroule en 1770, lorsqu'il doit se soumettre à une réquisition du roi : participer au cortège qui accueille Marie-Antoinette à Compiègne, pour lequel il fournit cinq chevaux. Comme tout maître de poste, il se doit de « marcher à toute réquisition, à se soumettre, sans indemnité à tous les déplacements que pourraient exiger des services extraordinaires.». Obligé de confier son relais pendant son absence à des domestiques qui ne peuvent gérer son affaire, et une partie de ses chevaux ayant été réquisitionnée par le roi, tâche pour laquelle il ne reçoit pas du roi les indemnités qui lui sont dues, il arrive alors rapidement à la faillite: en 1772, couvert de dettes, et mis face à ses créanciers, il doit démissionner de sa poste; en 1774,  devant son notaire qui estime ses dettes comme « occasionnées par le malheur du temps » , il n'arrive pas à convaincre ses créanciers.
 
En conflit avec certains membres de sa famille, il finit malheureusement sa vie à l'Hôtel-Dieu d'Angers, le 3 octobre 1792, dans la pauvreté.

 

Sources :

- recherches aux archives du Maine et Loire (2006-2007)

- livre "A hue et à dia" publié aux ed. Cheminements

- revue "Nos Ancêtres" de mars-avril 2007

- article Wikipedia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Poste

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Tag(s) : #Généalogie paternelle, #Anjou, #Ancêtres angevins, #Généathème
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