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En ce premier anniversaire du #RVAncestral, je fais une remontée de plus de 40 ans dans mon passé, au début des années 1970, pour questionner l'aîné de mes oncles, à la recherche d'indices concernant mon ancêtre d'adoption, celui que je vous présenterai dans le cadre du rendez-vous #AdopteUnAncêtre (voir ici)

Me voilà en chemin! Je remonte la cité des jardins lentement pour tenter de retrouver l'atmosphère qui y régnait durant mon enfance. Bien sûr, c'est une dizaine d'années plus tard, que je me retrouve là, mais ... arrivant du début de notre 21ème siècle ... cela fait naître en moi un mélange de sensations et de sentiments étranges!
 
De chaque côté de la rue plutôt large, je retrouve l'alignement des maisons jumelles construites spécialement par la Société des ardoisières pour loger leurs employés, au début du 20ème siècle. "Tiens, je n'avais jamais prêté attention à ça : je les pensais toutes semblables! mais le décor varie légèrement de l'une à l'autre. Il est vrai aussi qu'en ces années soixante-dix, un certain nombre d'ardoisiers a acheté la maison qu'il habitait; mais pour autant presque rien n'a changé encore."
1972, les maisons sont restées les mêmes, certaines couvertes de toitures à longs pans sous lesquelles s'ouvrent de petites fenêtres et d'autres à pans triangulaires percés de fenêtres plus grandes. Au rez-de-chaussée, la porte d'entrée donne sur la rue et on y accède par un escalier de pierre de trois ou quatre marches, et une fenêtre, plus large que celle à l'étage, éclaire la salle à manger; à l'arrière de la maison, un autre escalier de pierre au-dessus d'une cave conduit au jardin, le jardin si précieux aux ouvriers pour nourrir leur famille, et qui incite au partage ou à l'échange de bons procédés avec leurs collègues et voisins.
A cet instant, je m'attends à voir sortir de l'une d'elles une camarade de classe, puis plus loin encore une autre. Mais non, tout est calme, au contraire de l'époque de mon enfance, sinon, ici ou là, une conversation d'épouses qui pour beaucoup d'entre elles restent encore au foyer.
Je ne vois pas encore la maison de mon «ancêtre d'adoption», le 37 de la cité! C'est que celle-ci est assez grande avec plus de cent maisons partagées chacune en deux logements. Au milieu de la cité, j'accélère un peu, puis je prends la direction de gauche. Tout en remontant, j'aperçois une partie du groupe scolaire de l'autre côté de la route principale; un bloc abrite sur plusieurs étages les logements pour la directrice et ses adjointes, dissimulant les bâtiments de l'école des filles construits dans son prolongement et perpendiculairement à cette route qu'on appelait "la Promenade" qui traverse le village d'Est en Ouest. A gauche, un autre ensemble que je ne vois pas d'où je me trouve, édifié en vis à vis, est composé aussi d'un autre bloc logeant le directeur et les instituteurs, puis le long pan de l'école des garçons; chacune des deux parties se faisant face sont séparées par la cour de récréation.

Collection personnelle

Finalement, c'est dans la prochaine rue à gauche que je dois retrouver mon oncle, cette rue un peu moins large et différente où les maisons semblent plus resserrées, sauf au loin là où quelques hauts bâtiments ont été construits pour y loger sur quelques étages des familles de perreyeux.
Je frappe à la porte d'une des maisons. Elle s'ouvre et c'est mon oncle Georges qui se tient là devant moi un peu ahuri de me voir! Il n'en croit pas ses yeux, me voir les cheveux blancs quelques rides … mais, tout de même, il m'a bien reconnue!
- Bonjour, mon parrain! Me voici venue du futur pour te revoir.
- Comment est-ce possible? s'exclama-t-il.
- J'ai bien du mal à le comprendre moi-même! Car tu sais, quand on a la tête plongée dans la généalogie comme moi, on ne sait plus très bien quand on passe du présent au passé ou l'inverse! On a un peu les idées ailleurs! En tous cas je suis enchantée de me retrouver là!
Il me fait entrer, me fait asseoir. Il regrette l'absence de ma tante occupée par son travail de couturière et me propose un verre de cidre.
- Tu sais, c'est notre cidre d'il y a deux ans, me dit-il; c'est celui qu'on a fait avec ton père et ses copains!
Je me retiens de rire en pensant «Oui, il y a deux ans … pour toi! Quand il a été fait ce cidre, j'étais encore bien jeune!» Je préfère lui dire que j'aimais ces ambiances de la fin d'automne où les pommes à cidre étaient entassées sur de grandes toiles dans les cours, où la cidreuse passait de maison en maison dans le quartier avec tous les soirs ce même cérémonial. Il fallait allumer des lampes au bout des baladeuses puisqu'il faisait déjà nuit alors que le travail était à peine fini. Toutes les familles des ardoisiers du quartier se réunissaient et chacun mettait la main à la pâte, qui pour apporter une pelletée de pommes dans la cidreuse, qui pour enlever les résidus de pommes écrasées et les évacuer, qui pour remplir les fûts. J'aimais cette odeur de cidre nouveau, cet atmosphère où, pour une fois, dans ces soirées-là les heures s'égrenaient sans qu'on oblige les enfants à aller dormir : on avait le droit de regarder, on entendait les rires et les verres qui s'entrechoquaient, on avait même le droit de boire quelques gouttes du premier jus de pommes soutiré!
Mon oncle garde le silence tandis que je suis perdue dans mes pensées. Ce n'était pas un bavard, tout comme mon père.
- Je ne sais pas si tu te souviens qu'une des dernières fois où je suis venue chez vous, c'était pour vous demander de me prêter de quoi acheter ma première voiture? dis-je pour relancer la conversation.
- Ah c'est vrai! Une 4L?
- En effet, une trois portes avec levier au tableau de bord! Elle n'était pas toute neuve mais costaud! Elle en a fait de la route. C'est mon frère qui en a hérité quand j'en ai acheté une nouvelle! Et je revenais chaque mois vous rendre une partie de cette somme. Ça m'a rendu bien service en tous cas! Je vous en remercie.
 
Tout à coup, j'entends une porte qui s'ouvre et je me doute qu'il s'agit de ma tante Jeanne. Visiblement elle me reconnaît, pourtant elle me semble encore plus étonnée que mon parrain. Malgré sa surprise, elle m'accueille comme à son habitude : elle me propose un café.
Avec elle, nous évoquons quelques événements de la vie de la famille, le mariage de mes frères et sœur, leurs études, leur travail, puis elle s'excuse car elle doit s'installer à sa machine à coudre pour exécuter un travail commandé par une voisine. C'est son métier et j'en ai d'ailleurs profiter quelquefois. Sa sœur, elle aussi, allait de maison en maison réaliser divers travaux de couture ou de raccommodage, tout comme ma grand-mère d'ailleurs, la mère de Georges. A cette époque, les familles d'agriculteurs trop occupées dans leur travail à la ferme et aussi quelques familles d'ardoisiers parmi lesquelles certaines femmes commençaient à gagner leur vie en travaillant en dehors de chez elle, faisaient appel à ces couturières.
Collection personnelle
 
Alors qu'elle s'installe dans une pièce à côté, mon oncle et moi continuons notre conversation.
- Alors tu me dis que tu fais de la généalogie? reprend l'oncle Georges.
- Oui mais aujourd'hui, je ne suis pas tout à fait là pour ça, pas pour notre généalogie familiale. Je voulais te demander si tu avais connu Georges Bachelot? Je sais que vous ne travailliez pas aux mêmes ardoisières que lui, tes frères et toi. Lui était employé aux ardoisières de Misengrain; sa famille venait de Bourg-l'Evêque quand il est venu habiter à Noyant!
- En effet, mais nous avions presque dix ans de différence et il était sorti de l'école quand j'y suis entré. Tu sais que nos pères nous faisaient quitter l'école et entrer aux ardoisières dès l'âge de 12 ans? sans nous demander notre avis!
- Oui je sais cela, ce fut la même chose pour tes frères et sœurs, puisque l'école n'était plus obligatoire après cet âge. Sais-tu combien Georges Bachelot avait de frères et sœurs?
- Non, je ne connaissais pas bien sa famille, répond mon oncle.
- J'ai trouvé une carte postale* intitulée «Jazz Noyantais» qui présentent ses frères et lui comme musiciens de bals; un joue de la batterie, l'autre de la clarinette et lui, joue de l'accordéon. J'aurais bien aimé l'acheter mais la cote est bien trop élevée!
- Comment sais-tu que c'est lui sur la photo?
- Parce que j'ai vu une photo où il est un peu plus âgé et j'ai pu comparer: les sourcils, les oreilles sont vraiment semblables, la coiffure plus courte et les moustaches sont différentes, mais la mode a dû changer entre temps! dis-je en souriant. Cette photo était publiée sur un journal d'anciens déportés.
- Ah c'est vrai qu'il a été arrêté comme résistant et mort en déportation!
- Voilà pourquoi il existe une rue à son nom dans la commune!
Mon oncle se rappelant de certains éléments de sa vie familiale, poursuit :
- J'ai entendu dire que son père était arrivé de Bretagne aux ardoisières comme fendeur à la fin du 19ème siècle. Il habitait à Bourg-l'Evêque; de ce fait, il est étonnant qu'il n'ait pas travaillé à Bel-Air! Ou alors peut-être avant que j'y entre! Et à un moment, sa famille est arrivée ici dans la cité des jardins mais j'ignore quand. Je n'en sais guère plus.
- Eh bien, sur cette carte dont je parle on apprend que c'est au 37 de cette cité* qu'il habitait avec ses frères. Mais peut-être que ce n'était que ses parents et ses frères plus jeunes que lui qui demeuraient là, car je sais qu'il s'est marié en 1921. La carte date peut-être d'un peu plus tard, mais c'est difficile de le déterminer précisément!
Dommage qu'en ces années soixante-dix nous n'ayons accès à Internet, j'aurais pu montrer cette carte postale à mon oncle car un tel document pourrait l'aider à m'en dire plus! Il me reste donc à continuer de chercher le plus d'indices possibles!
- Autre chose, je me demande si ce n'est pas un de ses frères, présent ici sur cette carte, qui serait aussi sur une photo de groupe appartenant à papa; je lui trouve une petite ressemblance avec l'un de ses amis.
- C'est possible car Georges Bachelot a pu, en effet, avoir des frères du même âge que ton père.
Hélas mon père était introverti et ne parlait jamais avec nous, ni de sa famille, ni de la guerre, ni de bien d'autres choses encore, pourtant nous aurions manifesté beaucoup d'intérêt à recueillir ses souvenirs et regarder les quelques photos qu'il avait gardées. Je me demande alors comment faire pour m'assurer de la réalité de toutes ces hypothèses! D'abord, je crois que je vais regarder les archives d’État civil des lieux possibles de leur naissance comme Bourg-l'Evêque ou bien ici!
 
Je remercie alors mon oncle pour les renseignements qu'il a pu me donner et je me résous avec regret à mettre fin à notre échange que j'ai apprécié. Mon oncle appelle sa femme pour lui annoncer mon départ.
- Je suis désolée de vous avoir abandonnés mais mes travaux de couture doivent être prêts dès ce soir.
Je leur dis alors combien j'ai été heureuse de les revoir et d'avoir passé ces quelques heures en leur compagnie.
- Nous aussi, et j'espère que tu reviendras bientôt, me répondent-ils d'une même voix.
Je les embrasse en n'ayant aucune certitude à ce sujet, car les chemins du RDVAncestral nous mènent plus souvent très loin dans le passé! Et nous avons tant d'ancêtres à rencontrer!
 
Je repars la tête pleine de ce que j'ai appris sur mon ancêtre d'adoption qui porte le même prénom que mon oncle, un prénom fréquemment donné autour des années 1900. Mais mes idées se mélangent; je vais devoir mettre de l'ordre dans tout cela!
  
 
 
* Pour voir cette carte postale suivre ce lien :
* C'est sur la légende de cette carte qu'est notée l'adresse de la famille.
 
NB Mon ancêtre d'adoption, Georges Bachelot sera, dès que j'aurais collecté assez d'éléments sur sa vie, le sujet d'un article à venir dans le cadre du nouveau rdv AdopteUnAncêtre
 
 
 
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Tag(s) : #RDVAncestral
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