"Mémère" sortait de ses tiroirs, pour ses petits-enfants, des tas de petits jouets en plastique - animaux, personnages, arbustes ... avec lesquels nous nous inventions des histoires. Elle nous donnait aussi de grands livres aux images d'Epinal - l'ancêtre de la bande dessinée! - dans lesquels nous lisions des histoires que nous n'aurions pas comprises sans l'aide des images. L'un de ces grands livres aux feuilles jaunies et si peu épaisses qu'elles étaient devenues fragiles était plein de dessins en noir et blanc qui nous effrayaient quelque peu : il montrait de grandes images du diable, de l'enfer ou du purgatoire qui nous faisaient un peu peur, même si on les oubliait une fois le livre refermé. Je crois bien que son éducation très religieuse ne lui faisait pas voir la portée de cette lecture pour des enfants. Mais notre grand-mère avait sur nous un regard si bienveillant que nous ne sentions pas des méchants destinés à brûler dans les feux de l'enfer!
Ce qui représente le mieux cette grand-mère, c'est son talent de cuisinière. Déjà, son jardin était le paradis des gourmands, planté de tant d'arbres fruitiers qu'après la cueillette, les prunes rouges ou jaunes, les pêches veloutées ou les cassis, les groseilles à maquereaux, les castilles ou les framboises remplissaient les pots de confiture ou les bocaux en prévision de l'hiver. J'ai toujours vu ma grand-mère auprès de son fourneau, des instruments de cuisine à la main.
Je me souviens de ces repas pour la fête du nouvel an où chaque année, elle nous préparait ses "bouchées à la reine" à base de poule au pot et de champignons accompagnés de sauce béchamel dans des vol-au-vent faits maison. A d'autres grandes occasions - communions, baptêmes - elle nous régalait de choux à la crème préparés par elle-même!
Elle nous a appris la gourmandise, cette gourmandise faite de finesse, celle du "fin gourmet" !